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Pourquoi les voleurs aiment tant Pokémon

Pourquoi les voleurs aiment tant Pokémon

Le vol commis lors du Royaume TCG 2025 a eu l’effet d’un électrochoc dans la communauté : une voiture vidée de plus de 40 000 euros de cartes gradées, en plein cœur de Paris, sans effraction apparente. Une affaire d’autant plus marquante qu’elle a été résolue grâce à la vigilance d’un collectionneur messin qui a repéré les annonces suspectes en ligne. Derrière ce récit presque cinématographique se cache un problème plus profond : les cartes Pokémon sont devenues des produits si lucratifs qu’elles attirent désormais des voleurs organisés, transformant un loisir nostalgique en marché à haut risque.

Les vols se multiplient dans les boutiques, les conventions et même lors des transactions entre particuliers. Certains événements, comme le Belgium TCG 2025, ont eux aussi été marqués par des disparitions de cartes gradées en quelques minutes à peine.
Loin de l’anecdote, cette tendance dessine désormais une véritable cartographie criminelle autour du marché des cartes.
Et pour comprendre pourquoi, il faut examiner ce que vaut aujourd’hui une simple carte en carton... et ce que cela révèle de notre époque.

Le vol emblématique au Royaume TCG 2025** **

Une opération ciblée en plein week-end TCG

Au Royaume TCG 2025, les voleurs n’ont pas agi au hasard. Le parking souterrain de Saint-Germain-des-Prés leur offrait un terrain parfait : discret, fréquenté, et rempli de collectionneurs transportant des cartes dont la valeur dépasse allègrement celle de nombreuses voitures garées autour d’eux.
Dans le cas de la victime girondine, l’absence d’effraction laisse penser à une technique d’ouverture sophistiquée.

Les cartes ciblées ? Des gradées, précisément celles dont l’authenticité et l’état sont certifiés — autrement dit, celles qui se revendent vite et (très) cher.

Le choix du moment n’avait rien d’innocent : durant un salon TCG, les collectionneurs transportent souvent leurs plus belles pièces pour les exposer, les vendre ou les faire grader.
Les voitures deviennent des coffres-forts roulants... mais sans les serrures dignes de ce nom. Les voleurs le savent parfaitement, et profitent de la concentration exceptionnelle de stocks de haute valeur.
Dans cette affaire, les boîtiers PSA et CGC subtilisés représentaient une manne idéale : compacts, identifiables par les passionnés mais pas assez traçables pour décourager des receleurs peu scrupuleux.

La résolution grâce à la communauté

Si cette affaire a marqué les esprits, c’est surtout parce qu’elle s’est terminée par un petit miracle : la communauté a fait le travail que bien des criminels sous-estiment encore.
Informé du vol, un collectionneur messin a immédiatement remarqué des annonces douteuses en ligne, proposant des cartes bien trop rares pour apparaître par hasard.
Dans un marché où certaines pièces n’existent qu’en deux exemplaires sur le territoire, l’incohérence saute aux yeux des habitués bien plus vite qu’aux forces de l’ordre, et cette vigilance-là a tout simplement retourné la situation.

Ce qui a suivi ressemble presque à un scénario de film amateur, mais avec des PSA 10 en guise de trésor.
Le collectionneur messin a tendu un piège propre et net : prise de contact avec les vendeurs, négociation feignant l’intérêt, puis alerte immédiate aux forces de l’ordre.
Le rendez-vous fixé près de la gare de Nancy a permis à la BAC d’interpeller les suspects et de récupérer une grande partie du butin.

Cette réussite rarissime rappelle que la communauté est un réseau d’experts capable d’identifier une anomalie plus vite qu’un voleur ne parvient à cacher son butin.

Une série d’incidents qui révèle une tendance lourde

L’affaire du Royaume TCG n’est pas un caillou isolé dans la chaussure du marché : elle s’inscrit dans une succession d’incidents qui dessinent clairement une tendance.
Boutiques cambriolées, collectionneurs agressés, colis détournés dans les centres de tri… les exemples se multiplient dans toute la France.
Même les grands événements ne sont plus épargnés : lors du Belgium TCG 2025, des cartes gradées ont disparu en quelques minutes pendant la phase d’installation.
Les conventions sont devenues des terrains de chasse pour ceux qui savent où regarder. Ce n’est donc plus un problème ponctuel mais une dynamique criminelle qui s’installe.

Pourquoi les cartes Pokémon attirent les voleurs ?

Un marché devenu extraordinairement lucratif

La flambée du marché des cartes Pokémon a profondément modifié la manière dont elles sont perçues.
Longtemps considérées comme un loisir de niche, elles sont devenues en l’espace de quelques années un véritable actif spéculatif.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 10 milliards de cartes imprimées dans l’année, une croissance internationale de presque 10% par an, et des ventes qui explosent aussi bien dans les boutiques que sur les places de marché en ligne.
En France, le secteur dépasse désormais les 180 millions d’euros annuels, porté par une demande qui ne faiblit pas, des éditions modernes rapidement prises d’assaut et un engouement massif pour les cartes gradées.

Dans le haut du panier, certaines cartes atteignent des montants dignes de maisons de campagne.
Le Pikachu Illustrator, propulsé à plusieurs millions de dollars, a ouvert la voie à une nouvelle perception : celle d’un produit culturel devenu une marchandise financière.
Dracaufeu Base Set, Rayquaza Gold Star, Lugia Neo Genesis... autant de noms qui font aujourd’hui battre le cœur des investisseurs autant que celui des fans.
Et quand un objet de quelques grammes vaut plus que son poids en or, il devient mécaniquement une cible prioritaire pour toute forme de criminalité opportuniste ou organisée.

Ce phénomène est renforcé par l’essor de la gradation : en encapsulant une carte et en lui attribuant une note objective, PSA et les autres sociétés du secteur ont créé un standard qui transforme un objet affectif en produit financier liquide.
Une carte gradée PSA 10 peut valoir dix, vingt, parfois cinquante fois plus que sa version “raw”.
Pour les voleurs, cette différence représente un jackpot compact, facile à transporter et simple à écouler.
Pour les collectionneurs, c’est le début d’une vigilance nouvelle : chaque carte hautement notée n’est plus seulement précieuse, elle est enviée.

Petite taille, forte valeur : la combinaison parfaite

D’un point de vue strictement logistique, une carte Pokémon est un rêve de voleur.
C’est un objet minuscule, ultraléger, discret, et pourtant parfois aussi rentable qu’un bijou ou une montre de luxe.
Quelques dizaines de cartes gradées suffisent pour représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros, le tout tenant dans un simple sac à dos.
Là où d’autres biens de valeur exigent des véhicules, des complices ou un minimum de manutention, les cartes Pokémon se faufilent partout, dans une poche, sous un manteau, ou derrière une vitrine mal surveillée.
L’écart entre volume et valeur est si disproportionné qu’il crée une véritable faille dans la gestion du risque.

De plus, les cartes ne laissent ni trace ni bruit.
Pas de numéro de série gravé au laser comme sur une montre, pas de certificat obligatoire, pas d’obligation de déclaration.
Certaines cartes gradées disposent bien d’un numéro d’identification, mais il suffit au voleur de détruire le boîtier pour rendre la pièce méconnaissable et difficile à relier au vol.
Dans le cas des cartes non gradées, c’est encore pire : deux exemplaires identiques sont indistinguables sans caractéristique très particulière. Cette absence de contrainte matérielle crée un environnement parfait pour les délinquants, qui peuvent dérober des biens d’une valeur extrême sans s’embarrasser de complications techniques.

Enfin, contrairement à d’autres objets de collection plus volumineux comme les LEGO, les figurines ou certains coffrets scellés, les cartes n’ont aucune “présence physique” handicapante.
Le voleur peut disparaître dans la foule d’une convention en quelques secondes ou quitter un parking sans attirer l’attention. On ne transporte pas une toile de maître sous le bras, mais on emporte très bien un Rayquaza Gold Star PSA 10 dans un sweat à capuche. C’est précisément cette simplicité, presque absurde au regard des valeurs en jeu, qui rend le phénomène criminel si explosif aujourd’hui.

Une revente trop facile

Ce qui achève de transformer les cartes Pokémon en paradis pour voleurs, c’est la facilité déconcertante avec laquelle elles peuvent être revendues.
Les plateformes généralistes — Leboncoin, eBay, Facebook Marketplace — fonctionnent comme des autoroutes où passent chaque jour des milliers d’annonces.
Absolument rien n’empêche un receleur de créer un compte flambant neuf, d’y poster quelques cartes « à prix attractif » et de disparaître une fois la transaction conclue.
Les contrôles d’identité sont limités, les modérations souvent passives, et les prix trop bas attirent irrésistiblement les acheteurs pressés. L’écoulement du butin n’a pas besoin d’un réseau criminel structuré pour fonctionner, seulement d’un smartphone.

Pour les cartes gradées, la situation n’est pas forcément meilleure. Le numéro de certification pourrait servir d’outil de traçabilité, mais il est loin d’être systématiquement consulté par les acheteurs.
Et quand un voleur décide de casser le boîtier pour revendre la carte en version “raw”, toute piste s’évapore instantanément.
Dans certains cas, cette dégradation fait perdre une partie de la valeur… mais elle en conserve suffisamment pour rendre l’opération profitable. Le vol ne s’inscrit plus seulement dans la criminalité traditionnelle, il s’insère dans un marché fluide, numérique et massivement non régulé.

Les cartes non gradées, quant à elles, sont presque impossibles à identifier une fois dans la nature. Même les collectionneurs les plus aguerris ne repèrent une carte volée que si elle possède une marque très spécifique.
Et comme les voleurs le savent, ils privilégient souvent le volume : beaucoup d’affaires récentes impliquent des centaines ou milliers de cartes volées en vrac, ensuite revendues par lots comme « collection d’héritage » ou « grand tri de grenier ».
Dans un marché où l’offre et la demande sont si dynamiques, le recel se fond littéralement dans le décor. Le crime n’a même plus besoin d’être discret puisqu'il se camoufle simplement dans le flux.

Les nouvelles méthodes des voleurs

Cambriolages de boutiques spécialisées

Les cambriolages de boutiques spécialisées sont devenus l’un des visages les plus marquants de cette criminalité nouvelle génération.
Les voleurs ne sont plus des amateurs qui cherchent un coup facile : ils arrivent équipés, organisés, et surtout très bien renseignés.
Dans plusieurs affaires récentes, on retrouve le même schéma : intrusion nocturne, brouilleur d’ondes pour neutraliser l’alarme, ciblage précis des vitrines où reposent les cartes les plus chères, et fuite en moins de dix minutes. Le vol devient une opération chirurgicale.
Un gérant du Maine-et-Loire racontait récemment que les malfaiteurs étaient « passés par l’arrière pour rester discrets », signe qu’ils connaissaient parfaitement les lieux et leurs angles morts et qu'ils avaient fait un repérage.

La rapidité est leur arme maîtresse. Dans une boutique classique, les produits de valeur sont disséminés ; dans un magasin de cartes, ils sont rassemblés dans quelques vitrines, parfois à portée de main.
Dérober 80 000 euros de cartes ne demande alors ni camion, ni logistique lourde : seulement quelques sacs et un peu d’audace.
Les boutiques qui n’ont pas renforcé leurs vitrines avec du verre feuilleté ou des serrures multipoints deviennent des cibles idéales, car ces opérations ne demandent finalement que deux minutes de plus qu’un banal vol d’outillage.

Cette évolution rapproche de plus en plus ces magasins du modèle des bijouteries. Certains commerçants ont déjà tiré la sonnette d’alarme : pour eux, vendre des cartes Pokémon revient désormais à exposer des objets aussi convoités que des pièces d’or.
Les vitrines doivent être renforcées, les systèmes d’alarme doublés, et la surveillance vidéo repensée comme celle d’un commerce de luxe. Car si les cartes ont longtemps été considérées comme des produits « sympathiques », leur valeur actuelle impose une infrastructure sécuritaire qui n’a plus rien d’enfantin.

Guet-apens et agressions lors de rendez-vous

Les rendez-vous entre particuliers, longtemps considérés comme un pilier convivial de la communauté, sont devenus l’un des points noirs de la sécurité.
Beaucoup de collectionneurs préfèrent encore éviter les frais de plateforme ou souhaitent simplement examiner une carte avant achat… ce qui les conduit à fixer des rencontres parfois risquées.
Ces échanges, souvent organisés via des petites annonces, offrent un cadre parfait aux voleurs : un lieu isolé, un collectionneur concentré sur l’objet, et des cartes d’une valeur pouvant grimper à plusieurs milliers d’euros. Plusieurs affaires récentes montrent à quel point ce scénario peut basculer en quelques secondes.
À Grenoble, par exemple, deux hommes ont tendu un véritable piège à un collectionneur venu vendre des cartes d’une valeur estimée entre 5 000 et 6 000 euros.
Violence, intimidation, fuite rapide : l’opération ressemblait davantage à un braquage improvisé qu’à une simple arnaque.
D’autres cas sont encore plus brutaux, certains collectionneurs ayant été agressés à leur domicile après avoir naïvement partagé trop d’informations en ligne. Lorsque les voleurs savent exactement ce qu’ils viennent chercher — et combien cela vaut — la rencontre n’a plus rien d’une transaction, c’est une embuscade.

Les collectionneurs sous-estiment trop souvent le risque, persuadés que « ça n’arrive qu’aux autres ». Pourtant, les voleurs ne ciblent pas seulement les collections extraordinaires ; ils s’attaquent aussi aux lots intermédiaires, faciles à écouler et moins surveillés.
Chaque rencontre physique devrait être perçue comme une transaction à risque, au même titre qu’une vente de smartphone ou de bijoux. Le marché des cartes a grandi, mais ses habitudes, elles, n’ont pas suivi.

Vols de véhicules et vols internes

Entre deux événements, deux transactions ou deux sessions de grading, de nombreux passionnés transportent dans leur véhicule des cartes valant parfois plus qu’une berline neuve.
Pour les voleurs, ces voitures représentent une opportunité rare : un bien de très forte valeur, stationné dans un lieu isolé, et la plupart du temps protégé seulement par une fermeture centralisée. Dans plusieurs cas récents, les malfaiteurs ont utilisé des techniques d’ouverture sans effraction, capables de déverrouiller discrètement les véhicules modernes. Le recel commence littéralement sur le parking.

Un volet plus discret, mais tout aussi préoccupant, concerne les vols internes : des employés ou prestataires ayant accès au stock d’une boutique, d’un distributeur ou d’un organisateur d’événement.
Dans l’un des cas les plus marquants, un ancien collaborateur d’un grand acteur du marché a détourné pour plus de 100 000 euros de produits, ensuite écoulés avec une plus-value colossale. Ces vols ne reposent pas sur la force ou la ruse, mais sur l’accès privilégié. Lorsque l’on manipule des cartes qui valent parfois des milliers d’euros pièce, la tentation est à portée de main, et la surveillance insuffisante.

Les vols internes sont particulièrement difficiles à détecter, car ils se dissimulent facilement dans les flux logistiques ou dans les erreurs d’inventaire.
Beaucoup d’entreprises du secteur n’ont tout simplement pas adopté les pratiques de contrôle que l’on retrouve dans les marchés de luxe.
Les responsables découvrent parfois les écarts plusieurs semaines après les faits, quand les cartes sont déjà revendues.
Pour un voleur interne, l’avantage est double : il connaît les pièces les plus rentables et sait exactement comment éviter les caméras ou les registres. C’est la face la plus sournoise du phénomène, et probablement l’une des plus sous-estimées.

Les événements TCG

Les événements TCG — salons, conventions, championnats — sont devenus des nœuds à très haut risque. Ils concentrent en un seul lieu ce que les voleurs préfèrent : des milliers de cartes de grande valeur, des transactions rapides, des stands chargés, des visiteurs trop occupés pour surveiller leurs sacs et un va-et-vient incessant qui dilue toute tentative d’identification.
Pour les criminels, ces événements ressemblent à des marchés de luxe... sans la sécurité du marché de luxe.

Les phases d’installation et de démontage sont, ironiquement, encore plus dangereuses que l’ouverture au public. C’est durant ces moments de transition que la surveillance est la plus faible et que les exposants manipulent leurs cartes sans protection particulière.
Le vol du Belgium TCG 2025 l’a illustré de manière brutale : quelques minutes d’inattention suffisent pour faire disparaître des dizaines de cartes gradées. Tant que les organisateurs n’activeront pas leurs caméras et la sécurité dès l’arrivée des exposants, cette faille restera béante.

À cela s’ajoute un phénomène bien connu des collectionneurs : dans la cohue d’un salon, on baisse naturellement la garde.
Entre les achats impulsifs, les échanges, les discussions, les signatures d’artistes et les files d’attente interminables, personne ne peut surveiller constamment chaque pochette ou chaque mallette.
Les voleurs, eux, n’ont qu’une seule mission et repèrent rapidement les collectionneurs les plus chargés ou les stands les moins bien organisés. Un vol peut être commis en cinq secondes, glissé entre deux épaules dans une allée bondée. La densité de la foule devient alors un bouclier parfait pour s’évanouir.

Les ressorts psychologiques qui rendent le vol si impactant

Pourquoi les collectionneurs sont vulnérables

Si les collectionneurs de cartes Pokémon sont particulièrement vulnérables, ce n’est pas seulement à cause de la valeur de leurs collections, mais aussi de leur comportement — souvent passionné, parfois naïf.
Beaucoup partagent fièrement leurs plus belles pièces sur les réseaux sociaux, annoncent leurs acquisitions, ou montrent l’intérieur de leurs classeurs sans réaliser qu’ils donnent involontairement des informations précieuses : type de cartes, quantité, état, parfois même localisation.
Pour un voleur peu scrupuleux, c’est une carte au trésor version Instagram. L’exhibition, autrefois anodine, est devenue une porte entrouverte vers des risques bien réels.

Cette vulnérabilité est renforcée par le fonctionnement même du hobby : les collectionneurs se déplacent souvent avec leurs cartes, que ce soit pour des ventes, des échanges, des ouvertures de produits ou des événements.
Une partie d’entre eux transporte ainsi des valeurs colossales avec une désinvolture surprenante, persuadés que « tout ira bien » parce que le milieu semble amical. Ce décalage entre la valeur réelle des cartes et la perception qu’en ont leurs propriétaires crée un angle mort monumental dans la gestion de leur propre sécurité. Un voleur, lui, n’a aucune difficulté à repérer qui se promène avec un classeur qui claque à 20 000 euros.

Il faut aussi compter sur l’effet de groupe : dans une convention ou un tournoi, le collectionneur se sent protégé parce qu’il est entouré de passionnés, comme si la communauté formait spontanément une barrière morale contre le vol.
En réalité, cette confiance collective diminue l’attention individuelle. Beaucoup posent leurs sacs pour feuilleter un classeur, laissent leur mallette derrière eux quelques secondes, ou s’éloignent d’un stand en pensant être encore dans un espace “sécurisé”. C’est précisément cette confiance excessive — plus que la valeur des cartes — qui crée les brèches dans lesquelles les voleurs s’engouffrent.

Une dimension affective pire que la perte financière

Ce que les voleurs ne comprennent pas — et ne comprendront sans doute jamais —, c’est que la valeur marchande n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Une collection de cartes Pokémon, surtout lorsqu’elle a été patiemment construite pendant des années, porte une charge affective considérable. Beaucoup de collectionneurs parlent de leurs cartes comme d’un “héritage personnel”, un lien tangible avec leur enfance ou leur histoire.
Quand une collection disparaît, c’est une chronologie intime, une mémoire matérielle, qui s’envole. Pour certains, perdre un Dracaufeu est moins douloureux que perdre la carte d’un échange marquant en cour de récré.

Cette dimension émotionnelle explique pourquoi les victimes de vol décrivent souvent un choc bien plus violent que prévu.
La colère, la honte, le sentiment d’être trahi s’ajoutent à la perte une série de blessures psychologiques qui n’ont rien à voir avec l’argent.
Le collectionneur se sent dépouillé d’une part de lui-même, comme si l’on avait fracturé un espace intérieur. C’est un phénomène que les psychologues connaissent bien : lorsque nos objets incarnent des moments de vie, leur disparition crée un vide qui dépasse largement l’objet lui-même. Dans le cas des cartes Pokémon, ce lien affectif est exponentiel, car il touche souvent à l’enfance et à la nostalgie.

Cette intensité émotionnelle explique aussi la formidable mobilisation de la communauté lors d’affaires comme celle du Royaume TCG. On ne défend pas seulement des morceaux de carton ; on défend la passion, la mémoire, la légitimité du hobby.
Lorsqu’un voleur s’empare d’une collection, c’est tout un écosystème culturel qu’il attaque. D’où la réaction souvent très rapide — et parfois plus efficace que celle des autorités — d’une communauté qui refuse catégoriquement que son univers soit contaminé par le banditisme. Dans cette lutte collective, l’attachement émotionnel devient une forme d’armure... et un moteur de solidarité.

Comment protéger sa collection en 2025 ?

Pour les collectionneurs

Le premier réflexe à adopter, aussi simple qu’il puisse paraître, consiste à fermer un peu le robinet des informations en ligne.
Montrer ses cartes sur Instagram ou détailler sa collection sur Facebook peut sembler anodin... jusqu’à ce qu’un individu mal intentionné parcoure votre profil comme un catalogue.
Les voleurs modernes ne se contentent plus de rôder dans les rues : ils scrollent, ils scrutent, et ils prennent des notes.
La meilleure défense consiste donc à limiter les photos trop détaillées, éviter de mentionner votre localisation ou l’organisation de votre collection, et ne partager publiquement que ce que vous accepteriez de perdre.

Pour ceux qui possèdent des cartes de valeur, investir dans un coffre-fort ignifuge et résistant au perçage n’a plus rien d’excessif.
Les cartes gradées les plus chères peuvent y trouver leur place, tandis que les classeurs intermédiaires peuvent être stockés dans des pièces moins accessibles.
Coupler cela avec une alarme, quelques caméras intérieures et une porte correctement renforcée transforme déjà un domicile vulnérable en forteresse raisonnable.
La sécurité n’a pas besoin d’être spectaculaire pour être efficace : elle doit simplement compliquer suffisamment la tâche pour dissuader les opportunistes.

Lorsqu’il s’agit de ventes ou d’achats entre particuliers, une règle simple permet d’éviter 90% des ennuis : ne jamais faire confiance au hasard. Privilégier les lieux publics, éclairés, fréquentés ; rester dans les zones couvertes par des caméras ; éviter le cash, et toujours vérifier la réputation du vendeur ou de l’acheteur. Si un interlocuteur insiste pour un rendez-vous “chez lui”, “dans un parking isolé” ou “tard le soir parce qu’il n’a pas d’autre choix”, c’est généralement un drapeau rouge qui flotte comme un étendard.

Beaucoup de collectionneurs négligent cette étape pourtant essentielle : tenir un inventaire complet de leurs cartes.
Photos nettes, numéros PSA ou CGC, factures, reçus, dates d’achat... Ces éléments ne servent pas seulement en cas de vol ; ils facilitent également les remboursements, les déclarations d’assurance ou la revente légitime. Un classeur numérique bien tenu peut faire toute la différence entre une enquête solide et un simple “désolé, on ne peut rien faire”.

Pour les boutiques

Les boutiques spécialisées n’ont plus le luxe de considérer leurs vitrines comme de simples présentoirs : ce sont désormais des coffrets à bijoux qui doivent tenir tête à des voleurs équipés.
Le verre feuilleté ou trempé, les serrures multipoints, les vitrines boulonnées au sol et les systèmes anti-arrachement ne sont plus des options mais des prérequis. Quand un casse peut se jouer en moins de dix minutes, la moindre faiblesse devient une invitation ouverte. Une vitrine sécurisée, en revanche, décourage souvent l’attaque avant même qu’elle ne commence.

La vidéosurveillance doit être pensée comme un réseau à part entière, et non comme un gadget. Caméras intérieures et extérieures, vision nocturne, enregistrement continu, sauvegardes hors site... chaque élément ajoute une couche de difficulté pour les malfaiteurs.
Coupler ces dispositifs à une alarme silencieuse et à une intervention rapide peut transformer une tentative de cambriolage en échec net. Les boutiques qui traitent des cartes hautement gradées devraient désormais adopter les standards de la bijouterie, peu importe que leur façade annonce « cartes Pokémon » plutôt que « or et diamants ».

Stocker l’intégralité de ses cartes les plus précieuses en boutique après la fermeture n’est plus une stratégie viable.
Idéalement, une partie du stock doit être déplacée quotidiennement vers un coffre bancaire ou un lieu sécurisé hors site.
Les employés doivent être formés à reconnaître les comportements suspects, à verrouiller systématiquement les espaces sensibles et à suivre des protocoles stricts de fermeture. Une bonne partie des vols récents s’est jouée dans des moments de relâchement : une porte mal fermée, une alarme désactivée trop tôt, un stock accessible pendant quelques minutes.

Les commerçants qui entretiennent une relation saine et transparente avec leur communauté bénéficient souvent d’un filet de sécurité supplémentaire.
Un client régulier qui remarque une anomalie, un voisin vigilant, un collectionneur qui repère une carte suspecte en ligne...
La boutique n’est pas isolée : elle fait partie d’un écosystème.
Sans tomber dans la paranoïa, informer les clients de la nécessité d’être discrets et vigilants, ou leur expliquer pourquoi certaines mesures de sécurité existent, renforce la cohésion et rend le magasin moins vulnérable.

Pour les organisateurs d’événements

La plupart des vols lors d’événements surviennent avant l’ouverture au public, au moment où les exposants installent leurs stands encore vulnérables.
C’est précisément là que les organisateurs doivent concentrer leurs efforts : caméras activées dès le premier badge scanné, rondes de sécurité systématiques, contrôle des allées pendant les allers-retours véhicule–stand... Ces mesures simples ferment une porte béante que les voleurs exploitent depuis des années. Un événement TCG n’est pas “moins dangereux” avant l’ouverture : il l’est davantage, et il faut le traiter comme tel.

Les parkings représentent l’un des maillons les plus faibles de toute convention. Ils concentrent des voitures chargées de pièces de grande valeur, souvent laissées sans surveillance le temps de transporter quelques cartons.
Une caméra mal orientée, une zone sombre, un sous-sol non contrôlé : autant d’invitations pour les voleurs. Les organisateurs doivent installer un dispositif de surveillance véritablement actif : sécurité mobile, caméras haute définition, signalisation claire, voire un accompagnement facultatif pour les exposants les plus chargés. Un parking bien surveillé suffit souvent à faire fuir les opportunistes.

Beaucoup d’exposants — même les professionnels — sous-estiment encore les risques d’un événement TCG, persuadés que « ça n’arrive qu’ailleurs ».
En réalité, le simple fait d’informer régulièrement, via mails, annonces ou briefings matinaux, peut réduire drastiquement les incidents. Un rappel sur la discrétion lors du transport, l’importance de sécuriser les mallettes, ou l’utilité d’un inventaire mis à jour avant l’arrivée sur place, aide à ancrer de bonnes pratiques. Ce n’est pas du luxe : c’est de la prévention basique, mais qui protège potentiellement des dizaines de stands.

Quand un vol survient, les minutes qui suivent sont déterminantes.
Les organisateurs doivent disposer d’un protocole clair : blocage des sorties, vérification immédiate des images, patrouille renforcée, alerte aux exposants, soutien administratif pour la victime, contact express avec les forces de l’ordre.
Plus la réaction est rapide, plus les chances de récupérer les cartes augmentent. Les organisateurs qui improvisent perdent un temps précieux — précisément ce que les voleurs espèrent.
Dans un marché où tout peut disparaître en cinq minutes, la réactivité est une arme.

Quelles évolutions pour les années à venir ?

Le marché va continuer à gonfler

Toutes les projections pointent dans la même direction : le marché des cartes à collectionner — et Pokémon en particulier — n’a pas fini de croître.
Les études internationales anticipent un taux de croissance annuel à deux chiffres jusqu’en 2033, avec la popularité mondiale de la franchise, l’arrivée de nouvelles générations de joueurs et l’inflation continue des produits scellés.
Les cartes gradées, elles, deviennent une norme plus qu’une niche : pour une part toujours plus large de collectionneurs, avoir une carte chère sans boîtier n’est plus seulement un choix, c’est presque une anomalie. La professionnalisation du secteur entraîne mécaniquement une hausse de la valeur moyenne des collections.

Cette croissance est également soutenue par l’internationalisation du marché.
En 2025, une part considérable des ventes de cartes francophones se fait vers les États-Unis, l’Asie ou l’Europe du Nord.
Les plateformes d’échange mondiales, les outils de suivi des prix et la popularité des vidéos d’ouverture ont rendu le marché global, quasi instantané. Une carte trouvée en brocante peut se vendre à l’autre bout du monde le soir même.
Cette fluidité renforce l’attrait financier — et donc la convoitise criminelle. Plus le marché grossit, plus sa valeur cumulée attire les regards... et pas seulement ceux des collectionneurs honnêtes.

Enfin, n’oublions pas l’effet “investissement alternatif” qui s’installe peu à peu.
De plus en plus d’investisseurs diversifient leur portefeuille avec des cartes Pokémon, attirés par leur performance, leur rareté et la stabilité relative des pièces les plus anciennes.
Quand des family offices et des traders se mettent à acheter des Dracaufeu comme d’autres achètent du whisky rare, c’est le signe clair que le marché est en train de changer de dimension. Et avec cette montée en gamme, la valeur totale stockée dans les collections privées grimpe vertigineusement... ce qui alimente, mécaniquement, l’intérêt des voleurs.

La criminalité va probablement s’adapter

À mesure que le marché prend de la valeur, les méthodes des voleurs risquent d’évoluer vers davantage de sophistication.
On peut déjà observer l’apparition de techniques inspirées du cambriolage professionnel : brouilleurs d’ondes, ouvertures sans effraction, repérage préalable des horaires et des routines, exploitation des angles morts des boutiques ou des parkings. Il serait naïf d’imaginer que cette montée en gamme va s’arrêter là.
Si un Dracaufeu PSA 10 vaut plus qu’un lingot, il est logique que certains groupes organisés adaptent leur arsenal pour intégrer ce nouveau terrain de chasse.

Le risque le plus inquiétant pourrait venir du repérage numérique des collectionneurs à forte valeur.
Beaucoup d’entre eux exposent publiquement leurs cartes rares, leur progression en grading, ou des classeurs entiers de cartes vintage. Il suffirait à un voleur un peu méthodique de croiser ces publications avec d’autres données (localisation approximative, habitudes, participation à des événements) pour établir une cible précise.
Ce type de profilage existe déjà dans d’autres secteurs comme les sneakers, les montres ou même les voitures de collection : il serait étonnant qu’il n’atteigne pas à terme le marché Pokémon.

Un autre front risque de s’ouvrir : celui des faux.
La montée des prix rend financièrement intéressant le développement de contrefaçons sophistiquées, parfois indétectables sans expertise poussée.
Certaines arnaques déjà observées reposent sur des cartes “modifiées”, des boîtiers PSA contrefaits ou des stickers de gradation imités. Le criminel de demain n’aura peut-être même plus besoin de voler : il pourra simplement fabriquer des cartes qui n’existent pas. Les collectionneurs devront s’armer d’un œil plus critique et d’outils de vérification plus pointus.

Enfin, un volet encore discret mais plausible : l’utilisation des cartes comme véhicule de blanchiment.
Leur petite taille, leur forte valeur, leur liquidité et l’absence de certification obligatoire en font un support potentiel pour dissimuler des transferts d’argent.
D’autres marchés alternatifs ont suivi le même chemin : art, whisky rare, montres... Rien n’indique que les cartes Pokémon seront épargnées si leur valeur continue d’augmenter.
En somme, la criminalité va se professionnaliser autant que le marché lui-même — un triste effet miroir.

Des pistes d’amélioration

La première évolution nécessaire concerne la traçabilité.
Aujourd’hui, lorsqu’une carte gradée est volée, l’information circule de manière artisanale : posts Facebook, messages Discord, fichiers partagés. Une base de données européenne recensant les numéros PSA, CGC, BGS ou PCA signalés comme volés serait un changement majeur.
Accessible aux collectionneurs, aux boutiques et aux plateformes, elle permettrait de bloquer la revente avant même la mise en ligne. Techniquement, rien d’impossible : le secteur manque simplement d’une volonté commune de s’organiser.

Certaines sociétés de grading s’intéressent déjà à des systèmes de scellés inviolables ou de puces NFC intégrées dans les boîtiers.
L’idée n’est pas de transformer chaque carte en gadget électronique, mais de rendre le recel nettement plus compliqué.
Coupler cette technologie à une blockchain pourrait créer une identité numérique unique pour chaque carte gradée, infalsifiable et consultable en un clic.
Rien n’empêcherait alors d’associer un Dracaufeu PSA 10 à un historique complet, rendant la destruction du boîtier inutile pour les voleurs. Une sorte de “carte grise” du monde Pokémon.

En France, l’assurance des cartes Pokémon reste chaotique : peu de garanties, peu de produits réellement adaptés et une incompréhension générale de la valeur du secteur.
Développer des contrats dédiés — comme cela existe aux États-Unis — serait une étape déterminante pour protéger collectionneurs et boutiques. Mais cela suppose que le marché soit reconnu officiellement comme une catégorie d’actifs à part entière. À terme, un encadrement minimal des ventes à haute valeur sur les plateformes pourrait aussi réduire la circulation des biens volés.

Enfin, l’un des leviers les plus accessibles reste la formation.
Les forces de l’ordre, les organisateurs d’événements, les boutiques et même les collectionneurs gagneraient à acquérir une culture commune des risques : comment reconnaître une contrefaçon, comment détecter un comportement suspect, comment signaler une carte volée efficacement.
Quand un marché atteint plusieurs milliards, il n’est plus un simple hobby — et il mérite un niveau de prévention proportionnel à son importance.

Le vol survenu lors du Royaume TCG 2025 est le miroir d’un marché qui a changé de nature.
Les cartes Pokémon sont entrées dans une zone où passion et spéculation se croisent et où les collectionneurs, longtemps insouciants, doivent désormais penser comme des propriétaires d’objets de luxe.
La criminalité l’a compris avant tout le monde, transformant les parkings de conventions, les vitrines de boutiques et les rendez-vous entre particuliers en terrains d’opérations.

Mais ce phénomène ne raconte pas seulement l’appétit des voleurs ; il raconte aussi la maturité d’une communauté capable de s’unir, d’enquêter, d’alerter, et parfois même de résoudre ce que la police peine à démêler.
Les collectionneurs protègent une culture, une mémoire et un lien affectif qui s’est tissé sur plusieurs générations.

L’avenir du marché repose sur un équilibre fragile : plus de sécurité, plus d’outils, plus de vigilance... sans perdre cette dimension joyeuse et passionnée qui en fait un univers unique.
Les cartes Pokémon valent désormais beaucoup — mais elles signifient encore plus. Et c’est précisément pour cela qu’il devient essentiel de les protéger, non seulement contre la convoitise, mais aussi contre le monde réel qui, parfois, frappe un peu trop fort et de manière déloyale à la porte du hobby.